#WAC2015 Entretien avec Marc Dellenbach, Entraîneur de l'Equipe de France arc classique:

Article publié le 04/08/2015
Au lendemain des Mondiaux en extérieur qui viennent de s’achever à Copenhague, Marc Dellenbach, entraîneur de l’Equipe de France arc classique dresse le bilan des résultats des archers français qui rentrent loin des meilleures nations et sans aucun quota en poche pour les Jeux Olympiques de Rio. Il met l’accent sur l’inexpérience des Bleus et sur les points à améliorer pour être compétitif en 2016 où la qualification olympique reste possible tant sur le plan individuel que par équipe.
Quels sont vos premiers mots au lendemain de ces Mondiaux ?

C'est une grosse déception. On ne s'attendait pas à ça, tant sur le plan collectif que sur le plan individuel. Il n'y pas une seule explication à ce qu'il s'est passé, il y a plusieurs éléments : le premier c'est sans doute le manque d'expérience des plus jeunes. Quatre tireurs sur six n'ont jamais vécu des Mondiaux. Pour la plupart, ils ne les préparent que depuis un an. Ils étaient sur des échéances juniors voire cadets il y a encore 2 ans. Pierre PLIHON n’était pas classé au niveau mondial au début de la saison 2014. Ils se sont retrouvés à préparer un championnat du monde qualificatif pour les Jeux Olympiques en un an. Je pense qu'une telle compétition ne se prépare pas en un an... Quand on voit les archers qui restent en course dans le carré final, on peut voir qu'il s'agit d'athlètes expérimentés avec un processus d'entraînement spécifique pour cet objectif, depuis longtemps avec parfois quelques échecs (les Hollandais n’étaient pas qualifiés par équipe pour Londres et ont perdu au 1er tour des championnats d’Europe l’an dernier). Ki Boe Bae n’était pas non plus sur le podium des mondiaux 2011. Je pense que les jeunes ont malgré tout bien appris sur cette compétition et je suis sur qu'ils ont fait de leur mieux. Un deuxième élément c'est que nos deux archers les plus expérimentés ont rencontré des difficultés. Jean-Charles a tiré une deuxième série à 306 points (sur 360, ndlr) et Bérengère a mal terminé sa deuxième série, alors qu’elle était 6ème après 4 volées.

Ont-ils été bien préparés à ces conditions-là, à ces conditions difficiles ?

Je pense que oui, nous sommes allés en stage préparatoire à Londres avec l'équipe nationale anglaise et nous avons eu les mêmes conditions pendant plusieurs jours et nous avons eu beaucoup de vent et de la pluie... Du vent nous en avons également eu toute la saison sur le pas de tir de l'INSEP. Nous étions dans le coup après les premières volées et puis nous avons dégringolé au fur et à mesure sur la 2ème série comme si l'enjeu l'avait emporté sur la capacité à rester sur ce qu'ils savaient faire. Le niveau de performance n'avait rien d'exceptionnel nos archers sont capables de tirer à 650 chez les femmes et 670 chez les hommes.

C'est le même scénario qui s'est joué sur les matches?

Quand on est au delà de la 90ème place, on s’expose à rencontrer des têtes de série dès le départ, le premier match est forcément relevé... L'adversaire de Jean-Charles a tiré 88 points sur 90 possibles en 4 sets : 30 - 29 - 29 ! JC n'est pas capable de le faire aujourd'hui en tous cas pas sur ce premier match après des qualifications difficiles.

En d'autres termes, ils explosent en vol dès qu'ils sont au pied du mur ? Sous pression, alors qu'il faut absolument tirer un 10 ou un 9, c'est un 7 ou un 6 qui sort...

Ils ne sont pas encore assez consistants. De Belek-Antalya, c'est-à-dire des derniers championnats du monde, il ne reste que Jean-Charles. Les trois filles que nous avions envoyées ne sont plus là aujourd'hui. De l'équipe féminine championne d'Europe en Arménie il ne reste que Laura Ruggieri. En d'autres termes, c'est tout frais. Plutôt que les erreurs, je préfère retenir les 2 volées à 28 et 30 de Solenne qui lui permettent d’accrocher le barrage ou encore les 2 premières volées de l’équipe féminine qui ont accroché les coréennes.

Quelle est la solution?

D'une part élever leur niveau de performance et d’autre part qu'ils gagnent en régularité. Les résultats sont encore trop irréguliers. Chez les hommes, Ils étaient 17èmes lors de la première Coupe du Monde, 3èmes à l'issue de la seconde. Chez les filles, 16èmes à Shanghai, pas qualifiées à Antalya. Les résultats sont en dents de scie. Il faut plus de constance et de réussite.

Pourtant ils savent tirer à l'arc... Comment font les autres? Quelle est la cause de notre échec?

Ils savent tirer à l'arc, il y a de bonnes performances à l'entrainement mais ce n'est pas encore assez régulier et notamment en compétition.
C'est une équipe en manque de repères et d'expérience. Pour quatre d'entre eux, il y a deux ans, les Jeux Olympiques n'étaient qu'un rêve. C'est devenu un objectif pour certains après la bonne campagne européenne de l'an dernier. On ne peut pas décréter un gain de confiance comme ça et assumer un nouveau statut en quelques mois, ce n'est pas possible. Nos jeunes archers, comme les plus expérimentés d’ailleurs, ont fait quelques fautes de tir et de gestion du vent mais c'est normal quand tu démarres ta carrière. Je suis déçu pour Bérengère qui était de mieux en mieux à l'entrainement ces derniers temps.


Se trouvent-ils alors dans une situation d'auto-satisfaction quant à leur niveau de performance actuel ?

Je ne le crois pas. Je sais qu'ils sont très déçus et très conscients du niveau international. Qu'ils continuent d'élever leur niveau de performance et qu'ils transforment leur niveau de performance à l'entrainement en compétition. On ne peut pas exploser comme ça, du jour au lendemain.

Comment arriver à gommer toutes ces grosses erreurs ? Chaque archer commet une grosse erreur à chaque compétition : pourquoi ?

Ils commettent encore des erreurs à l’entraînement, il est donc normal d’en avoir en compétition. L’enjeu est d’arriver à tirer chaque flèche comme si c’était la dernière de la finale aux Jeux Olympiques tous les jours. C’est le niveau d’exigence que l’on doit avoir.

Comment voyez-vous les choses pour l'année prochaine ?

Ce sont les mêmes tireurs qui vont jouer les sélections l'an prochain. Il faut leur faire confiance. Ne pas oublier non plus les bons résultats précédents. Ils ont besoin de continuer à travailler, gagner en maturité, le potentiel est là. On a perdu une bataille mais la guerre n'est pas finie. Quand je regarde le niveau, il me parait largement accessible.
Il faut que les archers se rallient au projet de performance, et qu'ils se fassent confiance aussi mutuellement. J'essaie de fédérer les archers, chacun avec ses différences. Il y a un travail sur la représentation de la performance à faire. Tirer à 670 tous les jours pour ne pas avoir de doutes et les faire à chaque compétition.
Avant de partir, les archers étaient prêts. Ils n'avaient pas le vécu et la réussite en compétition qu'on aurait pu souhaiter. Mais il y avait des choses intéressantes. Cela n'a pas suffi mais il faut continuer à bâtir les choses ensemble. Effectivement les Hollandais ont injecté un jeune mais ils avaient été médaillés par équipes avec d'eux d'entre eux aux derniers mondiaux et avaient échoué aux championnats d’Europe 2014. L’Allemagne et l’Ukraine (hommes et femmes) ne sont également pas qualifiées alors qu’ils sont régulièrement sur les podiums.


Vous demandez aux archers d'être autonomes, ont-ils cette capacité, n'ont-ils pas besoin de plus de complicité?

Je pense qu’autonomie n’est pas incompatible avec complicité. Ce sont les archers qui tirent les flèches et ce sont aussi eux qui veulent devenir champions. Je suis là pour les accompagner. Il faut se retrousser les manches, tirer les bons enseignements sur les bonnes choses mais pas sur des détails. Il faut vraiment donner la priorité aux choses importantes et les inscrire dans la durée (l'entraînement, l'approche de la compétition, l'esprit d'équipe) et pas à celles qui sont secondaires. Je reste confiant dans le potentiel de notre équipe de France, la saison n’est pas terminée il nous reste encore 2 coupes du Monde et une belle saison à venir.

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