Interview croisée : Jean-Charles VALLADONT - Bérengère SCHUH

Article publié le 17/08/2015
Interview Jean-Charles Valladont - Bérengère Schuh (extrait, magazine Le Tir à l'Arc n°848, jan/fev/mars 2015)
Interview Jean-Charles Valladont - Bérengère Schuh (extrait, magazine Le Tir à l'Arc n°848, jan/fev/mars 2015)

Ils sont les deux athlètes français actuels les plus emblématiques du tir à l’arc classique. Nos deux jeunes leaders, 26 ans pour Jean-Charles Valladont et 30 ans tout pile pour Bérengère Schuh ont à deux 30 années de tir à l’arc derrière eux. Certes, certains d’entre-vous diront que ce n’est rien, d’autres au contraire penseront à toutes ces années qu’ils ont encore devant eux. C’est à cela que nous avons pensé en préparant cette interview : comment pense-t-on à l’avenir et à l’équipe de France quand on est athlète de haut niveau depuis plus de 10 ans ?
Comment voit-on la jeune génération, talentueuse, arriver à ses côtés à l’entrainement et en équipe de France ? Plus que jamais en 2015 avec ses évènements sportifs et personnels, l’équipe de France arc classique est en train de prendre un tout nouveau visage.

Propos recueillis par Jean-Denis Gitton
Crédit photos : Jean-Denis Gitton / FFTA
Depuis deux ans mais surtout cette année au mois de septembre, une dizaine de nouveaux et jeunes archers, sont arrivés aussi bien à l’INSEP qu’en équipe de France : comment vous sentez-vous avec eux et comment voyez-vous votre avenir avec eux ?

Bérengère : Il est vrai que chez les femmes je suis restée pendant une dizaine d’années à un niveau assez élevé et depuis deux ans beaucoup de jeunes ont progressé… Je pense que c’est très bien pour l’avenir ; maintenant je pense qu’il est bon de mélanger l’expérience des anciens avec les jeunes qui arrivent pour leur expliquer ce qu’il s’est passé ces 10 dernières années et préparer l’avenir sur les 10 prochaines. Sûrement sans moi, voire sûrement sans Jean-Charles. Enfin je suppose. L’avenir est avec eux mais les « anciens » sont encore là pour apporter beaucoup de choses.

Jean-Charles : Je ne me sens pas en retrait. J’ai plus d’expérience qu’eux, surtout en compétition. Mais aussi plus d’expérience qu’eux au niveau de l’INSEP ! Il y a déjà 8 ans que je suis là… Donc non, je ne me sens pas moins fort ou quoi que ce soit. C’est seulement la différence d’âge qui joue entre nous : nous sommes les leaders en âge et en expérience, on doit montrer l’exemple, ce qu’il faut faire, les pistes à suivre même s’ils ne travaillent pas sur les mêmes axes que les nôtres. Nous, Bérengère et moi, tout ce qu’on a fait depuis 10 ans sur le perfectionnement, le travail technique (…) Eux ce sont des démarches qu’ils ont commencé à entreprendre plus ou moins l’année dernière donc ils ont forcément un peu de « retard » par rapport à nous. D’où les rythmes et les contenus d’entrainement qui ne sont pas les mêmes non plus. Ni les mêmes projets sportifs ! Mais le but final est bel et bien de créer un collectif sans créer de différence entre une ancienne, un ancien, une nouvelle, un nouveau… Notre expérience apporte forcément aux fondations du groupe. C’est même un très bon point et je ne parle pas que de l’INSEP. Je pense à l’équipe de France par exemple. Tous ensemble. Après, quand on voit les choses de cette manière, même si chacun a son propre avis sur l’entrainement, la compétition, la vie fédérale (…), on pense apporter quelque chose.

Bérengère : Eux ont un peu plus de fraîcheur puisqu’ils sont nouveaux. Cela nous permet aussi de nous tirer nous-même vers le haut. Certes on a beaucoup d’années derrière nous dans le haut niveau mais ce n’est peut-être pas fini ; dans mon cas, il me reste deux ans et le fait que les jeunes soient là me booste aussi. Je me dis qu’il faut que je donne vraiment tout pour faire partie de l’équipe d’ici les deux prochaines années. J’aimerais être avec eux et les laisser ensuite faire leur carrière.
Justement, parlons de carrière sportive. Bérengère, tu as participé 3 fois aux Jeux Olympiques, une seule fois pour toi Jean-Charles : j’imagine que vous vous entrainez plus que jamais pour les Jeux de Rio ?

Jean-Charles : C’est très clair, Rio c’est l’objectif. Bien entendu cela suppose de passer par certaines étapes. Des sélections, un calendrier hyper précis. Ces étapes-là, il ne faut pas les griller. En 2012, j’ai perdu ma place aux Jeux Olympiques lors d’une sélection qui avait duré 3 jours à Vittel… Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas crier « victoire » tout de suite. Ou se reposer sur ses acquis. Chaque jour il faut repartir avec le même programme en tête, en se disant que les Jeux représentent l’objectif final, qu’il faudra récupérer les quotas l’année d’avant (cette année) et que tout cela passe par des étapes spécifiques : gérer l’approche des compétitions, se préparer aux épreuves de sélection, s’entrainer quotidiennement, etc.
Aux jeunes archers d’aujourd’hui et de demain, qu’auriez-vous envie de leur dire ?

Jean-Charles : Qu’ils se cassent les bras pour qu’on aille à leur place aux compétitions internationales (rires) ! Non, non, je plaisante bien sûr. Il faut que nous ayons une équipe complète aux Jeux Olympiques. Déjà que nous avons perdu un bon archer juste après Londres…
Une bonne équipe ce n’est pas seulement 3 personnes. Une bonne équipe c’est un collectif de 12 voire 15 archers qui se préparent en même temps et qui agissent pour s’élever les uns et les autres. Ce qu’on appelle l’équipe de France, c’est une équipe composée de 3 élites : ce n’est pas Bérengère Schuh, ce n’est pas Jean-Charles Valladont, ni les grosses têtes de série ; l’équipe de France se construit sur une saison avec un collectif d’archers, au travers d’épreuves de sélection. On sort les 3 meilleurs archers de ce collectif pour la performance. Autrement dit, l’équipe de France ne se construit pas autour de 5 ou 6 élites qu’on peut voir en photos partout. C’est accessible à tout le monde. Si nous en sommes là aujourd’hui c’est que nous sommes, nous aussi, passés par les « petites » étapes.

Bérengère : Pour accéder au haut niveau il y a beaucoup d’entrainement, beaucoup de compétitions, beaucoup de travail technique. Mais c’est accessible à tout le monde effectivement. Avec un club qui a les moyens c’est encore mieux, un entraineur dédié à soi aussi. A partir du moment où tout ça est en place, je pense que tout le monde peut faire partie de l’équipe de France et le but aujourd’hui est d’avoir la meilleure équipe sur tous les championnats. Ramener des médailles et ramener les 6 quotas sur les championnats du monde pour préparer les Jeux tranquillement. Ceux de 2016 et après.