Interview Pierre-Julien Deloche : 714 points et un nouveau record de France

Article publié le 15/06/2018

Depuis 2012, aucun Français n’était parvenu à dépasser les 713 points en compétition. Six ans plus tard, Pierre-Julien Deloche vient d’améliorer son propre record de France, le portant à 714 points lors de la DNAP à Boé. 

À quelques jours de son départ pour la troisième étape de Coupe du Monde du 19 au 24 juin à Salt Lake City (USA), Pierre-Julien revient avec nous sur cette performance. 

Quel était ton état d’esprit avant de tirer cette DNAP à Boé ?
Je n’avais pas d’objectif particulier. Je souhaitais avant tout prendre du plaisir et être dans le confort. Le rythme international est soutenu donc il faut accepter de travailler dans l’intérêt de la Coupe du monde.

À Boé, je partais pour un top trois des qualifications. Les sensations étaient bonnes, je m’attendais à taper plus de 700. Après, au-delà de 710, il faut quand même réunir des bonnes conditions météo, techniques et humaines. 

La dernière flèche, le cœur battait à 5 000 battements minute. C’était vraiment une bataille contre moi-même.

Comment expliques-tu cette montée en puissance tout au long de la saison et maintenant ce record ?
J’ai encore effectué quelques changements techniques dernièrement. Je cherche à avoir un tir moins agressif. Cette saison j’ai pris un pouce d’allonge donc il me faut le temps pour m’habituer à cette configuration. Petit à petit, je me sens de mieux en mieux. Progressivement, je peux me concentrer un peu plus sur ma vie clermontoise et la recherche de l’excellence. J’ai pu passer plus de temps sur mon arc et à m’entraîner. Je pense que là, j’ai mis le doigt dans l’engrenage de la performance et que ça va monter crescendo. 

Le 714 de ce week-end a été fait dans des conditions où je me sens bien, au niveau technique, au niveau familial. J’ai besoin d’être pleinement concentré sur moi-même, d’avoir un environnement stable et confortable

Pour arriver à ce niveau de performance, c’est vraiment une synergie entre la météo, le mental et le matériel de l’archer. Il faut un climat de confiance, de soutien et un peu de concurrence naturelle. Je sens que j’ai encore un peu de marge, j’aurais même pu taper trois points de plus. Pour moi aller chercher 717 points c’est faisable et je pense qu’un jour, je les ferais.

Raconte-nous comment tu as vécu ton record. À partir de quel moment tu sais que tu vas réaliser une grosse performance ?
Dès la troisième volée, je me suis dit : « houlà ! ça marche fort, Ça va bien, l’arc pardonne ». Par contre il fallait quand même faire attention de ne pas se faire surprendre par les quelques petits coups de vent et être attentif pour garder le contrôle. Par excès de confiance ou parce que je n’ai pas assez contre visé, j’ai lâché quelques neufs. J’étais en conditions d’aller chercher une perf à 717 points.

Après la première série à 357 points, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. J’ai recommencé la deuxième avec un 60 ultra facile et à partir de là, je me suis dit « ok ! Tu peux aller le chercher ». À deux volées de la fin, je devais absolument terminer par 120, deux volées à 60 points, donc ce n’était pas gagné. Je me suis dit la balle est dans ton camp, les conditions était bonnes, je fais un premier 60 et à partir de là, c’est vraiment monté en intensité et en pression sur la dernière volée. La dernière flèche, j’avais tous les capteurs ouverts, le cœur battait à 5 000 battements minute. Finalement, j’ai bien pris mon temps sur chaque flèche pour les coller dedans et terminer par 60 pour avoir ce record. C’était vraiment une bataille contre moi-même.

Ta coéquipière en équipe de France Sophie Dodémont réalise 713 points le lendemain de ton record (record de France arc à poulies femmes), Comment analyses-tu sa performance ?
Sophie c’est aussi une machine. Une machine avec une tête. Elle réfléchit beaucoup à comment améliorer son arc, sa technique et elle est pilote et mécanicien dans son tir. Comme moi, elle ne va pas hésiter à effectuer un changement pour devenir encore plus performante. Elle a fait un score qui est vraiment énorme, c’est stratosphérique. Son record est au niveau des meilleures performances masculines. Les hommes à ce niveau, il n’y en a qu’une poignée. 

Est-ce qu’il y a de la concurrence entre vous ou une émulation positive ?
À chaque fois que l’on échange tous les deux, il y a un peu cette course à la performance. Qui a fait le plus de 10 ou la plus belle flèche. On se branche l’un l’autre sur presque toutes les flèches. Ce week-end, encore, elle m’a envoyé un petit message pour me dire « Tu as eu chaud aux fesses ».

Dans la perspective de la Coupe du Monde à Salt Lake, la semaine prochaine, comment te sens-tu ?
La confiance est là. Je suis sûr que nous avons une carte à jouer à Salt Lake. Après la composition de l’équipe mixte dépendra des performances de chacun. Le niveau des archers chez les hommes est très élevé donc quel que soit celui qui disputera le mixte, si Sophie est forme ça peut aller loin. D’autant plus que pour l’instant le mixte est second au classement de la coupe du monde donc il y a cette carotte pour taper les Coréens et remonter au classement pour peut-être aller à la finale de la world cup.

Je suis convaincu que ces performances et ce record renforceront la confiance qu’on peut avoir ensuite sur l’international. D’une part pour moi, mais aussi pour l’équipe de France.

Propos recueillis par Julien Rossignol | Photos : Dean Alberga - World Archery / Ange Jimenez / FFTA

Articles connexes