Après une première manche fructueuse pour les archers poulies français, le niveau promet de se rehausser lors de la deuxième manche en Corée la semaine prochaine. Malgré les médailles, un archer a barré la route aux tricolores, le Néerlandais Mike Schloesser. Vainqueur de Jean-Philippe Boulch en demi-finale et d’Adrien Gontier en finale or, celui qu’on surnomme Mr. Perfect continue de truster la plus haute marche du podium. A une semaine de la manche coréenne de la Coupe du Monde, nous sommes allés à la rencontre des deux médaillés français d’Antalya et de leur entraîneur, Sébastien Brasseur. 

Est-ce qu’on aborde un match différemment lorsque le numéro 1 mondial est en face ? 

Sébastien Brasseur : Aujourd’hui en arc à poulies, le niveau est assez dense. L’état d’esprit, c’est d’entamer le match en allant chercher le score parfait que ce soit Mike Schloesser ou quelqu’un d’autre en face. Contre Mike, on s’attend à ce qu’il lâche peu voire pas de 9. L’objectif est donc de le tenir, rester très proche pour essayer de lui mettre la pression et qu’il lâche un peu. Quand il est tenu jusqu’au bout, il peut flancher sur une dernière flèche.
Il a un niveau exceptionnel, il est capable de faire des super matchs des 32èmes à la finale, car il est très serein. Même si on s’habitue à voir des Français sur les terrains de finale, il reste tout de même cette petite appréhension. On se prépare au mieux à l’entraînement, en se mettant notamment dans la même configuration que pour les finales avec conditions de tir alterné, mais sur un terrain de finale, l’expérience fait la différence. C’est cette habitude des arènes qui fait que les archers arrivent à produire leur tir sans être submergés par l’émotion. 

Jean-Philippe Boulch : Je l’ai rencontré pour la demi-finale sur le final four, ça apporte toujours une pression, même si je me suis senti plutôt à l’aise. Le plateau final, c’est son terrain de jeu, il faut faire fort pour lui coller la pression. 

Adrien Gontier : Je ne pense car en arc à poulies, même le 59ème des qualifications peut aller en finale en faisant 150 à chaque match ou avec une croix au barrage ! Mike va potentiellement faire moins d’erreurs que les autres, c’est sûr, mais rien n’est fait sur chaque match, il faut parier sur sa propre réussite.

Quel est votre ressenti sur ces phases finales ? 

Jean-Philippe Boulch : Sur l’ensemble des rencontres, je me suis battu contre moi-même pour faire de gros scores. Je garde tout de même l’idée que j’aurais eu plus de chances d’atteindre la finale Or si j’avais rencontré Mike (Schloesser) avant le Final Four. Malheureusement, faire 147 points sur une demi-finale contre lui, c’est trop peu. Ma dernière flèche aurait pu faire pression pour potentiellement aller au barrage, mais je la tire trop en bas à gauche alors que je devais faire 10. Si tu laisses quelques 9 d’entrée de jeu, ça lui suffit pour te battre. 

Sébastien Brasseur : C’est vraiment dommage que Jean-Philippe n’ait pas rencontré Schloesser dès le jeudi, car il était vraiment sur une bonne dynamique. Le plus dur, c’est souvent de repartir le samedi matin à zéro tout en gardant un maximum de confiance emmagasinée le jeudi. C’est difficile d’être à 100% dès le départ, sans préparation pour être en confiance directement. 

Adrien Gontier : Je n’avais pas forcément d’objectifs sur cette première étape de Coupe du Monde, qui faisait un peu office de test. J’ai mal commencé et puis j’ai su me reprendre jusqu’à arriver au carré final. J’ai tout donné contre Pizarro en demi-finale, la descente émotionnelle a donc été énorme, et je ne m’étais pas préparé à ça, ce qui a fait que j’ai manqué de jus en finale contre Mike. Il a déroulé, en faisant seulement deux petits 9. Il était solide, en confiance, il ne sortait presque pas du X ! De mon côté, je n’y étais pas psychologiquement, et dès la deuxième volée j’ai compris que c’était fini. En arc à poulies, une mauvaise flèche peut te coûter le match, surtout contre le numéro 1 mondial. J’ai un peu moins d’expérience que lui, je ne fais du haut niveau que depuis 2019 ! Je serai prêt pour la prochaine fois.

Comment est-ce que vous abordez la deuxième manche de la Coupe du Monde à Gwangju (KOR) ?  

Jean-Philippe Boulch : En deux ans, il (Mike Schloesser) est à 3-0 sur nos rencontres, donc il y a un peu un esprit de revanche. On a tout de même réussi à battre les Pays-Bas par équipe après avoir perdu contre eux à Yankton l’année dernière. Ce sont souvent les mêmes équipes qu’on rencontre, donc on commence à les connaître. Ce n’est que partie remise, personne n’est imbattable ! 

Adrien Gontier : Je suis sorti très satisfait de mon parcours après des qualifications compliquées. Je ne peux qu’être heureux de cette médaille d’argent, je pense que beaucoup de gens auraient aimé être à ma place ! J’ai notamment pu me remettre en question au niveau de mon entrainement et de ma préparation, car j’ai encore plein de choses à travailler. Dès que je suis rentré, je suis retourné à l’entraînement travailler de nouvelles choses. Je vais à Gwangju avec plus de solidité et de confiance qu’à Antalya. Cette première manche était une bonne expérience qui va nous servir pour le reste de la saison. 

Sébastien Brasseur : J’espère vraiment qu’ils vont confirmer à Gwangju. En tant qu’entraineur, quand on démarre une saison, il y a des doutes, on connait le niveau de ses archers mais pas forcément celui des autres nations, donc on fait au mieux pour les entraîner et les préparer à la densité du niveau international. J’ai une équipe soudée, les archers ont confiance en eux, la communication est bonne, chacun met les moyens pour aller rivaliser et chercher une médaille et il y un super staff autour d’eux pour les mettre dans les conditions pour réussir. Maintenant, la saison est lancée, la confiance acquise sur cette première manche va sûrement les aider à aller chercher encore plus sur la deuxième. Les voyants sont plutôt au vert pour cette saison !

A ce jour seul Sébastien Peineau a réussi à l’emporter sur un terrain de finales face à Mike Schloesser, c’était en 2015 et en 2016....

Sébastien Peineau  : Je l’ai battu deux fois... C’était sur la Coupe du Monde de Shanghai 2015 en finale et en finale des Mondiaux en salle en 2016. 
A chaque fois, ça a été une bataille psychologique. En 2015, j’ai mené une grande partie du match... Il a commencé par 29 sur la première volée et moi 30. J’étais à 119-117 avant la dernière. Mike fait 30 sur les trois dernières flèches et moi 28. Sur le barrage j’ai réussi à l’emporter en collant un X. A l’époque il était 6è mondial et moi j’étais 5è... Il est monté d’un cran depuis. 
Sur les Mondiaux en salle en 2016, j’ai 10 à faire pour gagner, le chrono décomptait, je termine par 10-9-9 lui 10-10-10. Je suis parti au barrage. Là Benoit Binon, notre entraîneur à l’époque, m’a dit de me concentrer sur ma flèche et de ne pas regarder le résultat...mais l’ombre de la cible m’a permis de voir qu’il avait tiré un 9 tout près du 8 en haut à gauche. Au moment où j’ai tiré je fais aussi un 9 plus près du 10 et je sais que je suis champion du Monde. A l’époque nous étions n°2 mondial pour lui et n°1 mondial pour moi...  
Si tu veux être capable de battre Mike aujourd’hui, il faut être capable de tirer à 100% et de poser 150 et surtout ne jamais lui ouvrir la porte. 
Les gars, Jean-Phi, Adrien et Quentin, ont fait un parcours magnifique sur le Coupe du Monde d’Antalya avec trois podiums, je leur souhaite de faire au moins aussi bien sur toutes les autres étapes et les championnats.”

Propos recueillis par Alexis Laurent-Gonnet et Laurence Frère - Service Communication FFTA - Crédit photos : World Archery

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