3/3 - Un conseiller technique, à quoi ça sert ?

Article publié le 18/12/2018

A l’heure où le gouvernement annonce la suppression de 1600 postes de conseillers techniques et sportifs, nous vous proposons de découvrir l’univers de ces hommes et de ces femmes qui œuvrent au quotidien au service de la FFTA, que ce soit sur des missions régionales, nationales ou d’entrainement. Leur professionnalisme conjugué avec la passion qui les anime sont des éléments déterminants pour continuer à faire progresser le sport à tous les niveaux. 

Jérôme Auraix : Conseiller Technique National - Responsable du Pôle France Relève de Bordeaux

Depuis combien de temps es-tu entraîneur du Pôle de Bordeaux ? Etait-ce une vocation ?
J’ai toujours eu envie d’enseigner, à la base je voulais être professeur d’EPS. J’ai découvert le tir à l’arc en vacances avec mon grand-père, ensuite je me suis inscrit au club d’Annemasse et toute ma famille a suivi. J’ai eu une carrière d’athlète de haut niveau avec quelques années en équipe de France junior durant lesquelles je m’entraînais au Pôle de Boulouris. J’ai fait mes études en STAPS et en parallèle j’ai passé le BE Tir à l’arc. Rapidement j’ai entrainé dans différents clubs. En 1995 le club de Nice m’a proposé un contrat d’entraîneur, puis d’autres ont suivi, comme Mouans-Sartoux, Antibes, Cannes. J’ai côtoyé des dirigeantes très motivées comme Elisabeth Allegrini, Michèle Lesage, Dominique Farjanel. J’ai tenté ma chance au concours du Professorat de Sport sur une année où il n’y avait qu’un seul poste et j’ai été reçu. J’ai créé et entraîné (à l‘aide de Mickael TAUPIN et Jean Marie TOVO) un centre régional d’entraînement en Aquitaine (CREPA) en 1999 puis un pôle espoir au CREPS de Bordeaux en 2007 devenu pôle France jeune puis pôle France Relève aujourd’hui.

Comment conçois-tu ta mission de responsable et d’entraîneur de Pôle ? Comment s’insère-t-elle dans le Projet de Performance ?
Il y a la mission de coordination et la mission d’entrainement. Dans les deux cas mon rôle est de permettre à l’athlète de s’épanouir, de lui faciliter la vie au quotidien de l’accompagner dans son projet de vie au CREPS entre performance sportive et scolaire.
Notre cœur de métier c’est la partie pédagogique pour amener les jeunes au plus haut-niveau. Le pôle France Relève se situe à l’articulation entre l’accession au haut niveau et la recherche d’excellence. A côté de cela, nous sommes des éducateurs et des formateurs. Nous assurons également un lien avec les familles des archers, le personnel du CREPS qui organise leur suivi scolaire ou leur vie à l’internat. J’essaie de faire en sorte que tout jeune qui a fréquenté le Pôle, quelle qu’en soit l’issue, en retire du positif. D’ailleurs je reste en contact avec la plupart des archers qui ont été membres du Pôle de Bordeaux. Au total 41 jeunes sportifs sont passés dans la structure pour vivre cette expérience unique. Certains d’entre eux sont encore dans le dispositif de haut niveau à l’INSEP comme Mélanie GAUBIL ou Clémence TELLIER d’autres ont poursuivi leur chemin…

Au-delà de la vocation d’entraîneur, j’ai une lettre de mission du DTN, qui est lui aussi personnel d’Etat, validée par le Directeur Régional Jeunesse et Sports qui y ajoute des missions de service public. Par exemple en début d’année, avec les services du CREPS nous faisons de l’information sur l’éducation citoyenne par le sport, sur la lutte contre les discriminations, l’apprentissage du respect, de la tolérance, sur la lutte contre le bizutage, la violence dans le sport, sur la prévention des conduites addictives, la lutte contre le dopage … Cela fait partie intégrante de notre métier. Nous sommes également en charge du suivi médical réglementaire des athlètes que nous avons sous notre responsabilité.
 

Quelles conséquences peuvent avoir les mesures annoncées par le gouvernement à l’horizon 2024 en matière de développement de la pratique sportive et plus spécifiquement du tir à l’arc ?
​Le système sportif français doit évoluer mais cela doit se faire en bonne intelligence. Le budget consacré aux sports est en baisse. Des objectifs sont annoncés… 80 médailles aux Jeux Olympiques, 3.000.000 de licenciés. Si demain nous supprimons tous les CTS (Conseillers Techniques et Sportifs), toutes les fédérations n’auront pas les moyens d’embaucher les entraîneurs et conseillers techniques. De mon point de vue, d’une part nous perdrons l’expertise et les compétences spécifiques des entraîneurs de haut niveau et d’autre part c’est le coût de la licence qui devra sensiblement augmenter impactant directement les licenciés, l’équilibre actuel sera rompu. Cela ne va pas dans le sens du développement du sport. Le sport c’est la santé, nos champions montrent la voie aux futures générations ; préservons et améliorons la spécificité du modèle sportif français… 

Replacer le sport au cœur du débat
Benoit BINON - Directeur Technique National (DTN)

« Les trois témoignages des collègues dressent un panel plus ou moins exhaustif des missions et du rôle d’un CTS. Au risque d’être redondant, je ne m’attarderai pas sur l’impact économique ni sur les missions à proprement parler. Ce qui aujourd’hui retient mon attention dans les évolutions proposées n’est pas de savoir si on peut ou pas changer le statut des CTS, mais si nous devons ou pas au regard de l’enjeu de la mission de service public ; et de fait de quel sport et de quelle société rêvons-nous. Celle ou le sport est un facteur d’intégration et de cohésion, d’universalité, d’épanouissement et d’accomplissement ou celle portant un sport clivant, géré par les enjeux économiques et la rentabilité. Les valeurs du sport et ses différents rôles, comme son rôle éducatif, sont tributaires de son organisation et de son lien avec l’engagement de l’Etat. Bien évidemment je n’exclue pas le besoin d’évoluer, mais quelles sont aujourd’hui les solutions alternatives proposées ? Pour quelle finalité ? Pour quelle place du sport dans notre société ? A l’heure où celle-ci développe l’individualisme, le sport est probablement le dernier vecteur du vivre ensemble.

Bien que le sport ne soit pas que haut niveau, même si cette dimension est généralement très associée aux débats actuels, sa réorganisation aura des conséquences. Ainsi aux JO la France est la nation ayant le plus de sports différents aux tableaux de ses médailles, cette singularité témoigne également d’une organisation et d’une vision du sport français qui sans aucun doute disparaitraient. 

Généralement les changements structurels sont générés par une inversion du ratio points forts points faibles au profit de ces derniers. Il appartient au monde sportif comme au gouvernement de mesurer si tel est le cas. L’éducateur, l’entraineur, le dirigeant, l’économiste, le sociologue n’auront pas le même mode de calcul du ratio et c’est bien là l’enjeu actuel. 

Je n’ai qu’un souhait que nous replacions le sport au cœur du débat. »

 

Lexique

  • CTS : Conseiller Technique et Sportif (anciennement CTR : Conseiller Technique Régional) 
  • CTN : Conseiller Technique National
  • ETR : Equipe Technique régionale
  • CQP : Certificat de Qualification Professionnelle
  • CCNS : Convention Collective Nationale du Sport

Article tiré du magazine "Le Tir à l'Arc" n°863 | Photos : FFTA / Ange Jimenez / Pôle Bordeaux