Au travers du "Petit Journal" publié par la commission Valeurs et Tradition de la FFTA, nous replongeons dans l'histoire du tir à l'arc et de ses traditions. Pour ce nouveau numéro, focus sur "L’Abat l’oiseau du 18ème siècle à nos jours".
Avec le Bouquet Provincial, l’abat l’oiseau est l’une des traditions à avoir traversé les siècles depuis le Moyen-Age, se transmettant de génération en génération d’archers jusqu’à nos jours. C’est un tournoi annuel au sein de chaque compagnie au cours duquel les archers se défient pour désigner le meilleur (ou le plus chanceux) d‘entre eux, dénommé Roy, en tirant sur un oiseau en bois, appelé également Papegay1 dans les régions du Nord.
En nous basant sur la lecture de trois textes de Statuts et Règlements2 d’une part et à la lumière des usages actuellement en vigueur (fruits de l’évolution de la société), nous proposons une étude comparative du tir à l’oiseau depuis le 17ème siècle.
La date : Initialement fixée le 1er mai ou le premier dimanche de mai, après décision de l’assemblée générale des Officiers et Chevaliers du dernier dimanche d’avril (17ème siècle), elle est préconisée courant mars, avril ou mai, après décision du jour et de la durée par l’assemblée de la Compagnie de janvier et indiquée par affiche (19ème siècle), puis de préférence avant le 1er mai, courant mars ou avril (20ème siècle). Cette préconisation prévaut actuellement afin de permettre au Roy de participer au tir du Roy de France (pratique créée en 1951).
Le jour du tir : Au 18ème siècle, les Officiers et Chevaliers, portant leur épée au côté et la médaille de Saint-Sébastien à la boutonnière, devaient se réunir dans la salle à l’heure précise indiquée, puis accompagner le drapeau jusqu’à l’endroit du tir, sous peine d’amende. Tous devaient s’être préalablement acquittés de leurs arriérés envers la compagnie. Ensemble, Officiers et Chevaliers avaient décidé du prix (somme d’argent) qu’ils allaient offrir au Roy, appelé le Joyau du Roy.
Au 19ème et 20ème siècle, il en va de même si ce n’est qu’il n’est plus fait mention de l’épée ni de la médaille, substituées par un uniforme et les insignes des grades. On note aussi l’apparition d’un tambour pour accompagner le drapeau. L’expression « Joyau du Roy » disparaît, seul reste le prix. Le tir peut commencer dès lors que trois chevaliers sont présents.
Actuellement ces règles sont toujours appliquées. Ainsi, on peut lire dans la Charte de la Chevalerie d’Arc de France3 : « Nul ne peut prendre part à ce tir s'il a conservé une dette envers sa Compagnie ou un grief envers ses camarades. Les Officiers, Chevaliers et Archers doivent se réunir au jour et à l'heure convenue au jardin d'arc, avec tambour (si possible) et drapeau ».
Par ailleurs, il est d’usage de commencer la journée par un accueil chaleureux autour d’un café, chocolat chaud ou vin chaud, accompagné de brioches que le Roy de l’année précédente aura pris soin d’offrir. S’ensuit un salut aux buttes (lorsque c’est possible) accompagné d’un moment de silence drapeau baissé, partagé par tous les participants (archers et accompagnants). Les archers portent leur tenue de compagnie et les Officiers leur(s) écharpe(s).
Le tir : A l’origine, se pratiquait exclusivement à la perche mais au 19ème siècle, il est précisé que s’il n’était pas possible de tirer à la perche, on tirait dans les buttes.
Il en est de même actuellement, soit le tir se fait à la perche, de 18 à 30 m de haut, soit à l’horizontale si le périmètre de sécurité ne peut pas être garanti, à 50 m, dans un jeu d’arc lorsque la compagnie en possède un.
Les jeunes archers ne tirent qu’à 30 m lors d’un tournoi parallèle ou organisé un autre jour, pour désigner le Roitelet qui pourra également participer au tir du Roitelet de France (depuis 2000). ans certaines Compagnies, il existe le tir du Petit Prince pour les plus jeunes.
L’oiseau : 18ème siècle, il était « de bois et de la forme en usage dans chaque compagnie », posé sur deux pattes de bois sans utilisation de fer ni de laiton. Au 19ème siècle, sa taille est précisée, il devait être d’environ un pouce, sans relief des ailes ni des pattes. Il était placé devant le noir de la carte, collé par la queue sur une tige, sans fer ni laiton. Au 20ème siècle, la description reste identique sauf pour son volume qui était d’un pouce sur deux.
Ces dimensions sont toujours actuelles : « L’oiseau est fiché au centre des cartes Beursault. La taille de la partie faisant face au tireur ne devra pas dépasser un pouce par deux pouces soit 26 mm de large et 52 mm de haut. Il devra être réalisé dans un bois relativement tendre collé sur une planchette permettant en cas d'impact franc un abat aisé.
1 - Le mot papegay est sans doute dérivé de l’espagnol papagayo (perroquet) étant donné que les Flandres et l’Artois étaient possessions espagnoles au XVIe et XVIIe siècles et où les guildes d’arquebusiers avaient l’habitude de tirer l’abat oiseau le 1er mai, comme cela est attesté dans La relation de la campagne de Flandre de 1649 par Jean-Antoine VINCART, p. 365 : « (…) susçedió que la gulda de los arcabuçeros, llamada de San Christoval, en la villa de Brusselas, tirando al papagayo el primer día de mayo (…) », in https://www.persee.fr/doc/bcrh_0770-6707_1894_num_63_4_2171 , consulté le 9 mars 2022. Par ailleurs, en Flamand, perroquet se dit papagaai.
2 - Monseigneur Henry-Charles Arnauld de POMPONNE, Statuts et règlements généraux pour toutes les Compagnies du Noble Jeu de l’Arc et Confréries de Saint Sébastien dans le Royaume de France, 1733. Version André V. GILLET, chevalier de l'Arc et chevalier de l'Ordre de Saint Sébastien, 1986 (d'après le texte de Moreau-Nélaton 1912), p. 5-7. Statuts et règlements de la Chevalerie de l’Arc, Famille de Paris, ED. E. Leconte, Crépy-en-Valois, 1889, p. 19-20. Règlements généraux des Chevaliers de l’Arc et Archers de France, 1934-1960, FFTA, 20 novembre 1960, p. 27-28
3 - Charte de la Chevalerie d’Arc de France, Ed. 20 octobre 2019.