Interview Benoit Binon, Directeur Technique National de la FFTA

Article publié le 24/11/2017

L’élection de Jean-Michel Cléroy à la présidence de la FFTA en mars dernier, s’est accompagnée d’un changement de Directeur Technique National. C’est Benoît Binon, homme du sérail, entraîneur national de l’arc à poulies jusqu’à sa nomination en août dernier qui succède à ce poste à Benoît Dupin. Entretien avec le nouveau DTN que le milieu du tir à l’arc connait déjà bien pour l’avoir côtoyé sur les pas de tir de la France.

Vous étiez-vous préparé à accéder au poste de DTN ?
C’est quelque chose que j’ai anticipé dans une démarche de projet et d’équipe. Ce n’est pas qu’une démarche personnelle. Cela faisait quelque temps que je réfléchissais à avoir d’autres misions au sein de la Fédération. Je pensais à celle de DTN seulement si le poste était ouvert dans le cadre d’un appel à candidature. Quand j’ai su qu’il y aurait un changement, j’ai pris contact avec Jean-Michel Cléroy pour discuter de son projet, pour savoir si j’allais poser ma candidature. Nous avions déjà travaillé ensemble entre 2000 et 2004. A l’époque, il était président de la ligue du Centre et j’en étais le CTF (Benoît Binon est devenu Professeur de Sport en 2004). Puis, j’ai réfléchi entre le projet porté par le président et celui de la DTN. Je crois que le bon fonctionnement de la Fédération repose sur le fait que chacun travaille dans le respect de son champ de compétences, tout en ayant les mêmes visions et les mêmes objectifs. Je sais que cela sera possible avec le président.

Le côté commun de notre vision repose aussi sur le fait de travailler en équipe, que ce soit au niveau des élus ou au niveau de la DTN. Pour l’un comme pour l’autre, l’objectif majeur est la réussite aux Jeux Olympiques et de poursuivre le développement de notre sport.

Votre nomination est arrivée au cours de l’été, en pleine saison sportive, comment avez-vous réussi à concilier les deux ?
Sur la fin de la saison, cela a été plus difficile de gérer ma disponibilité auprès des archers. Il y a probablement eu un léger sentiment d’abandon. Heureusement, ils sont assez autonomes et solidaires pour avoir pu se préparer dans de bonnes conditions malgré cette situation singulière. J’aurais aimé pouvoir terminer autrement cette longue histoire, malheureusement le calendrier a été défavorable. Cependant pour moi, de terminer sur un terrain de finale de Coupe du monde (en 2017 à Rome, ndlr) sur un très beau match me laissera de beaux souvenirs. Un match dans lequel j’ai retrouvé toutes les valeurs soutenues durant ces années, comme l’engagement, la combativité, l’exigence, la passion, le plaisir.

« On apprend de chaque personne et de son fonctionnement »
Benoît Binon, Directeur Technique National

Vous avez procédé à des changements, notamment des entraîneurs nationaux. Plus largement, comment votre équipe est-elle organisée sur les différentes missions de la DTN ?
Le calendrier du haut niveau m’imposait la date des changements, soit dès ma nomination soit cela se reportait sur l’autre olympiade car je ne souhaitais pas effectuer les changements sur une saison de championnat du monde. Changer d’encadrement après une médaille à Rio était forcément une décision difficile ; d’autant que j’ai partagé 13 ans de compétitions aux côtés de Marc Dellenbach.

Après 4 olympiades durant lesquelles les archers encadrés par Marc ont gagné des médailles internationales (dont 2 aux JO), je souhaitais bâtir un nouveau projet de Haut Niveau porté par l’élan de Paris 2024. Une nouvelle génération d’athlètes arrive, l’effectif de l’INSEP ayant plus que doublé cette année, il convenait de prendre cela en compte. Nous aurons donc maintenant deux entraineurs responsables des équipes de France et de l’INSEP. Aurore Trayan et Nicolas Rifaut prendront l’intégralité de leurs nouvelles missions après les championnats du monde senior à Mexico.

Concernant mon équipe, j’ai conservé l’ossature de la précédente DTN. L’organisation est un peu différente avec une adjointe et 4 directeurs de départements. Les directeurs de la vie sportive, formation et développement ne changent pas. J’ai proposé à Marc Dellenbach l’ancien entraineur national la responsabilité d’une mission d’accompagnement à la performance qui est un nouveau département dans la DTN.

Et en arc à poulies, c'est Sébastien Brasseur qui vous succède... 
J’aurais aimé pouvoir accompagner mon successeur sur une ou deux saisons, malheureusement cela ne se fera pas de cette manière. Sébastien Brasseur prend le relais à partir de cette fin 2017. Son parcours d’athlète (ex numéro 3 mondial) comme son parcours professionnel en tant qu’entraineur au Pôle France de Dijon durant une olympiade et récemment en responsabilité chez les juniors arc à poulies légitime sa nouvelle mission. Je sais qu’il est prêt pour devenir un bon entraineur. Nous allons devoir nous investir plus à l’avenir sur cette discipline pour rester présent au niveau international.

Comment concevez-vous la/les missions des Conseillers Techniques et Sportifs ?
Je crois qu’entre le moment où j’exerçais cette mission et maintenant, elle a évolué. D’abord l’évolution de la territorialité transforme dans les grandes régions l’organisation du travail, ensuite le tir à l’arc a continué son développement. Les conseillers techniques sont un maillon important de la réussite de notre sport. Si leurs missions consistent à mettre en place régionalement le projet fédéral, ils sont aussi force de proposition dans nos réflexions sous le prisme des problématiques de terrain. Je veux agir pour que le management réduise les distances et que les cadres se sentent au cœur du projet.

Quels sont aujourd’hui les axes prioritaires de travail de la Direction Technique Nationale ?
Tout d’abord, j’ai la chance de travailler dans une Fédération en bonne santé, tant structurellement que sportivement. J’arrive derrière une médaille olympique. On peut tout de suite partir sur un projet dans le prolongement de ce qui avait été structuré. Il n’y a pas lieu d’être dans un modèle de rupture.

Outre le haut niveau et le nouveau Projet de Performance Fédéral qui est le cœur des actions d’une DTN, j’accorde beaucoup d’importance à la formation. Tant diplômante que continue, bénévole ou professionnelle, elle est un secteur clé de notre développement. Nous travaillons déjà sur de nouveaux concepts ; par exemple, une académie des entraineurs devrait être créée en septembre 2018. La formation des entraineurs, la transmission des savoirs, seront des axes importants dans notre projet.

La faible croissance après Rio montre peut-être que la Fédération se situe à l’aube d’un nouveau palier et je pense que nous avons besoin d’un vrai audit sur nos structures pour créer le club de demain. Nous devons nous appuyer sur nos forces et nos valeurs mais aussi avoir de l’ambition pour être par exemple plus présents dans les grandes agglomérations avec des clubs phares qui sont des vecteurs de communications importants. L’arrivée du CQP Technicien Sportif doit pouvoir compléter l’offre d’un encadrement professionnel, qui devient de plus en plus présent dans les associations sportives et doit trouver sa place également au tir à l’arc. Sans aucun doute les labels seront-ils également revisités pour s’adapter aux nouvelles exigences et thématiques.

Nous allons continuer de travailler autour de l’ETAF, en diversifiant notre accompagnement afin d’être si possible plus adapté aux problématiques de chacun. Nous avons un recul maintenant qui permet d’analyser l’impact de ce label sur la structuration d’un club, sur sa notoriété locale et nationale.

A ce sujet, vous avez tenu il y a quelques jours votre premier colloque des cadres techniques...

Ce premier colloque en tant que DTN a été orienté sur l'échange et le partage, notamment au sujet du projet de création d'une académie des entraineurs. Cela nous a permis de mettre en corrélation cette volonté et la faisabilité. Les directives doivent être tranférables sur l'ensemble du territoire avec ses disparités entre les grandes et les petites régions. Nous sommes dans une phase de discussion et de synthèse. Des groupes de travail seront constitués pour avancer sur les dossiers à venir

 

Aujourd’hui la fédération se projette vers les JO de 2024 à Paris, mais avant il y aura Tokyo en 2020, comment abordons-nous 2018 et la fin de l’olympiade qui va arriver vite ?
Il y a une double vision à avoir effectivement, préparer et réussir Tokyo tout en construisant un projet ambitieux pour Paris 2024. Nous devons nous organiser pour garder cette double feuille de route. Il y a un réel enjeu dans la gestion des carrières de nos sportifs, il faudra pouvoir associer patience et expérience notamment. Même si je parle beaucoup de Paris, je n’en oublie pas Tokyo et notre vice champion olympique sera là pour me le rappeler.

Vie sportive : envisagez-vous une refonte du calendrier national ? Avec quels objectifs ?
C’est un dossier sur lequel reposent de nombreux enjeux. Il y a les réflexions de la direction technique et le projet fédéral. Les premières réunions de travail confirment la vision commune et la possibilité de faire évoluer la vie sportive. Evidemment, mes priorités sont la discipline olympique et les jeunes compétiteurs, cependant nous devons avoir une vision plus globale permettant également d’offrir une meilleure lisibilité de nos compétitions. Si continuer de développer des compétitions avec des terrains de finales spécifiques, du streaming, de la concurrence, des gains en numéraires, etc. contribuera à préparer nos archers aux échéances internationales. Il faudra aussi, je pense, se positionner sur un évènement plus important. On peut envisager qu’une étape de coupe du monde en France de 2021 à 2023 serait une situation sportive intéressante pour appréhender la pression d’un gros évènement en France… Sans parler de l’attrait en termes de développement et de partenaires.

Développement : quels publics cibler en priorité ? Le Tir à l’arc en milieu scolaire et périscolaire – le Sport-santé…
Notre nombre de licenciés jeunes est en baisse pour la troisième année consécutive. Nous ne devons pas attendre le prochain film de Robin des bois ou autres pour inverser la tendance. Le scolaire et le périscolaire doivent évidemment être investis mais nous devons aussi questionner la structuration de nos clubs, ainsi que notre offre de pratique. J’ai augmenté les moyens humains sur le département du développement car il me semble important d’être dans l’action, la création, la prospection plutôt que dans la réaction et le palliatif.

Quels indicateurs clés vont permettre de mesurer la réussite de l’action de la DTN dans les différents domaines ?
La place de la France dans le rang sportif mondial est un indicateur, mais évidemment le seul sera celui de Paris 2024, ne nous voilons pas la face. L’organisation du sport de haut niveau en France est à la réflexion pendant quelques mois, mais sans aucun doute les moyens seront concentrés sur les chances de médailles à Paris dans le même esprit que les Anglais pour les JO de 2012. Le tir à l’arc devrait arriver à être dans ces sports mais il faudra aussi chercher des ressources auprès de nouveaux partenaires pour préparer nos athlètes dans de bonnes conditions.

D’autres indicateurs seront à prendre en compte pour évaluer la réussite du projet. Celui de la progression des licences par exemple. 100 000 pour célébrer les médailles françaises du tir à l’arc à Paris peut être notre slogan. Cependant l’avenir de notre Fédération et l’héritage de Paris se feront si le pourcentage des catégories jeunes augmente. De même, si nous augmentons le nombre d’enseignants professionnels dans nos clubs, cela sera aussi un indicateur positif.

Extrait de l'interview publiée dans le magazine "Le tir à l'arc" n°859 Propos recueillis par Laurence Frère / Crédit photos : FFTA

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